Dans un arrêt du 4 août 2023, le Conseil d'Etat réaffirme que les gestes de toucher pelvien réalisés par un masseur-kiné, même titulaire d'un diplôme d'ostéopathe, doivent se conformer au cadre légal de la masso-kinésithérapie et nécessitent une prescription médicale.
Rappel des faits
Dans les faits soumis au Conseil d'Etat, M. C D, masseur-kinésithérapeute également titulaire du titre d'ostéopathe, avait reçu en juillet 2018 Mme A afin de traiter ses difficultés à concevoir par des manipulations ostéopathiques visant à améliorer la mobilité de l'utérus.
Après des manipulations externes et une séance d'hypnose, il a réalisé sur sa patiente un geste de toucher vaginal à l'origine d'une douleur qui l'a conduite à demander à ce qu'il y mette fin immédiatement. Se plaignant de brûlures dans le vagin, d'une incapacité prolongée à avoir des rapports sexuels et d'un traumatisme psychologique, Mme A a saisi le conseil départemental des Pays-de-la-Loire de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes, qui a transmis sa plainte contre M. D à la chambre disciplinaire de première instance de cet ordre, en formant une autre plainte à l'encontre du même praticien.
Par une décision du 9 décembre 2020, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Pays-de-la-Loire a infligé à M. D la sanction de l'avertissement.
Le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes se pourvoit en cassation contre la décision du 4 juillet 2022 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, saisie de son appel et de celui du Conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Vendée, a infligé à M. D la sanction de l'interdiction temporaire d'exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée d'un mois, assortie du sursis.
Rappel du cadre légal de l'exercice des masseurs-kinésithérapeutes :
Le Conseil d'Etat cite l'article L. 4321-1 du code de la santé publique :
"La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale.
La définition du massage et de la gymnastique médicale est précisée par un décret en Conseil d'Etat, après avis de l'Académie nationale de médecine.
Lorsqu'ils agissent dans un but thérapeutique, les masseurs-kinésithérapeutes ne peuvent pratiquer leur art que sur ordonnance médicale."
L'arrêt renvoie également aux dispositions réglementaires :
La masso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l'altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu'elles sont altérées, de les rétablir ou d'y suppléer. Ils sont adaptés à l'évolution des sciences et des techniques.
Le Conseil d'Etat souligne "si ces dispositions ne soumettent l'exercice de son art par le masseur kinésithérapeute à une prescription médicale que lorsqu'il agit dans un but thérapeutique, elles renvoient à un décret en Conseil d'Etat la définition de l'ensemble des actes professionnels de masso-kinésithérapie, et non seulement des actes médicaux prescrits par un médecin. Or, il ne résulte d'aucune des dispositions du code de la santé publique énumérant les actes professionnels de masso-kinésithérapie citées ci-dessus qu'un masseur kinésithérapeute soit habilité à pratiquer sur ses patientes, hors prescription médicale, et quelle que soit la finalité qu'il lui assigne, un geste de toucher pelvien, qui ne constitue notamment ni une manœuvre externe constitutive d'un acte de massage ni un acte de gymnastique médicale.
La pratique du toucher pelvien par un ostéopathe :
Dans l'arrêt il est rappelé que : "L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. () Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles il sont appelés à les accomplir ".
Aux termes de l'article 1er du décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie : " Les praticiens justifiant d'un titre d'ostéopathe sont autorisés à pratiquer des manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de remédier à des troubles fonctionnels du corps humain, à l'exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques ".
Aux termes de l'article 3 du même décret : " I. - Le praticien justifiant d'un titre d'ostéopathe ne peut effectuer les actes suivants : 1° Manipulations gynéco-obstétricales ; / 2° Touchers pelviens.
Il résulte de ces dispositions, qui interdisent aux praticiens justifiant d'un titre d'ostéopathe d'effectuer des touchers pelviens, qu'un masseur-kinésithérapeute qui justifie du titre d'ostéopathe n'est autorisé à pratiquer un geste de toucher pelvien que lorsqu'il est habilité à réaliser cet acte dans l'exercice de sa profession de masseur-kinésithérapeute et dans le respect des dispositions relatives à son exercice professionnel à ce titre. Il relève à cet égard du contrôle de la juridiction disciplinaire des masseurs-kinésithérapeutes, la seule circonstance que ce geste soit réalisé par des praticiens se prévalant également du titre d'ostéopathe ne pouvant suffire à justifier sa réalisation hors du cadre légal applicable à la masso-kinésithérapie.
En second lieu, la chambre disciplinaire nationale s'était fondée, pour écarter le même manquement, sur la circonstance que l'acte en cause était autorisé, dans l'exercice de la masso-kinésithérapie, au motif que, selon elle, il avait été réalisé en vue d'une mobilisation à caractère préventif et non thérapeutique, il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus qu'une telle circonstance n'est pas de nature à autoriser un masseur-kinésithérapeute à pratiquer, en l'absence de prescription médicale, un acte de toucher pelvien.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat rappelle qu'un masseur-kinésithérapeute n'est pas habilité, hors prescription médicale à pratiquer un toucher pelvien sur une patiente. Il a donc annulé la décision d'appel et renvoyé l'affaire à la chambre disciplinaire nationale pour qu'elle se prononce à nouveau.
Soyez le premier à interagir
Sur quel réseau souhaitez-vous partager ?
Envoyer par mail